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La lettre d'Henri Chas du 30 décembre 1914

Armentières, le 30 Xbre 1914

 

Ma chère Marguerite,

 

J'ai bien reçu ta lettre du 26. As-tu reçu les miennes ainsi que celle écrite à Henri. Je l'ai télégraphié hier pour vous envoyer mes [souhaits] et je te prie de vouloir bien être mon interprète pour les faire et les adresser à tous les membres de la famille. Je n'ai pas le temps d'écrire à chacun, et je te charge de le faire pour moi. Il est facilement aisé de comprendre que je suis plus qu'occupé attendu que je suis seul – Villard, fatigué, est parti, et viendra te voir, tu auras des détails par lui, je l'ai chargé de t'embrasser.

 

Conem a son fils Charles à Ypres, […], il est allé jusque là pour essayer de le voir et si possible de le ramener.

 

Plus d'obus depuis le 20 - mais des Anglais, toujours des Anglais.

 

Au tissage rien de nouveau - le stock s'en va et si le sort continue à me [favoriser], je pourrai dire que je dois être compris dans les privilégiés.

 

Je t'ai donné des renseignements sur mes actes et sur ma vie plutôt agitée, mais cela ne me dérange pas, j'aime l'activité et les [solutions ...].

 

Remercie les enfants de leurs lettres je leur répondrai de vive voix et leur raconterai en détails tout ce que j'ai vu, vécu et dû faire.

 

Je ne crois pas que nous puissions être à Lille avant fin Février, c'est long mais nous aurons la victoire. Je regrette ce délai mais je ne veux m'absenter avant que ma ville soit à l'abri des obus et des bombes incendiaires. Tu le comprends; c'est très bien et je t'en félicite. Je viendrai passer le jour de l'An à la Mairie et le soir j'irai souper à Hazebrouck chez le Sous Préfet qui [est charmant à tous les points de vue]. Je penserai à [...] et à toi et je boirai à votre santé et à la grande victoire des Alliés.

 

C'est la guerre, c'est vrai, guerre meurtrière et dévastatrice mais soyons encore heureux parce que nos fils ne sont pas sous les armes. Combien d'autres ne peuvent pas en dire autant.

 

J'ai du interrompre ma lettre, visite d'officiers anglais venant réquisitionner ma machine à écrire, un tapis et un [bon feu] c'est la troisième fois qu'ils viennent à ce sujet, c'est insensé !

 

Il fait une tempête terrible, vent pluie et cette nuit un orage corsé. Je plains les malheureux dans les tranchées.

 

Te renouvelant mes meilleurs souhaits pour 1915 je te prie de les transmettre à ta Mère, sœurs, beaux-frères, oncles et tantes et je t'envoie de nombreux baisers à distribuer aux enfants et aux parents.

 

Bien tendrement je t'embrasse.

 

Élise va bien - elle t'écrira la fois prochaine.

La lettre d'Henri Chas du 25 décembre 1914

Le 25 Xbre 1914

11 heures matin

 

Ma chère Marguerite,

 

Je t'écris d'Hazebrouck où je suis venu régler des factures de sel, chocolat, pétrole, farine, bougies. J'ai pu me mettre en rapport par l'intermédiaire d'un ami, le docteur Gilbert de Paris actuellement médecin militaire à la 9e compagnie de [...] avec un Monsieur [...] de Paris qui s'occupe du ravitaillement.

 

Ne prête aucune importance aux articles des journaux qui sont tous plus ou moins fantaisistes.

J'ai pris rendez-vous pour lundi avec les correspondants des journaux Le Petit Parisien et l’Écho de Paris qui feront eux un récit […] du bombardement et ses [...] à Armentières.

 

Pour ta gouverne au tissage il n'y a [pas pour] 400 francs de dégâts, quelques carreaux brisés et un [pan de mur] entre la salle de la machine et l'écurie - on exagère toujours.

 

Depuis dimanche pas un seul obus, c'est pour ainsi dire la tranquillité.

 

Je vais la navette en auto entre Hazebrouck, Dunkerque et Armentières et je couche ou chez Villard ou chez le Procureur à Hazebrouck ou à la Sous-Préfecture à Dunkerque.

Je vais très bien et supporte assez gaillardement ces randonnées en auto. Mais il faut que je sois toujours dans ma ville et je dois passer 4 à 5 heures par jour à la Mairie.

 

J'ai écrit dimanche et lundi, [j'ai écrit à ...]

Par l'intermédiaire du Sous-Préfet j'ai reçu le [colis]. Merci pour les marrons glacés, j'ai remis à Élise le chocolat.

 

Ce soir je dîne avec le Sous-Préfet et des officiers. Je repars demain matin pour Armentières.

 

Villard a passé le conseil de réforme hier, il a été définitivement réformé.

Je le trouve fatigué peut-être le [déciderai-je] à aller se reposer quelques jours, mais […].

 

J'espère que tu auras fait bon voyage à Paris et que vous allez tous bien.

 

Dés que le calme me le permettra, je viendrai vous voir mais c'est très difficile d'obtenir un laisser passer pour prendre le train ou circuler en auto. Le permis que j'avais a été annulé et j'ai du aller avant-hier à Cassel en demander un autre au Général Foch.

La consigne est sévère, on a raison car il y a tant d'espions - c'est incroyable.

 

On espère aller à Lille sous peu, quand ? Voila la question.

D'Hazebrouck on [… une canonnade intense, du côté de La Basssé]

 

Je te prie d'embrasser les enfants et la Mère pour moi, [amitiés à les soeurs et Honoré,] aux oncles et tantes et pour toi mes bons baisers.

 

Le Sous Préfet m'attend, je vais rendre visite à mes vieux de l'hospice ; et leur offrir une petite gourmandise.

 

Si je ne t'écris pas tous les jours c'est que je n'en ai pas le temps, je suis toujours harcelé par une chose ou par une autre.

 

Bons baisers.

La lettre d’Élise à Madame Chas du 25 décembre 1914

Hazebrouck, le 25 décembre

 

Madame,

 

Hier soir j'ai reçu le paquet que vous aviez eu l'amabilité de m'envoyer, ce dont je vous remercie beaucoup, car votre délicate attention m'a touchée. Monsieur a goûter les bons marrons en famille, ils étaient bons et beaux, ainsi que les fins chocolats ;

 

Madame, Monsieur va bien quoique il y a plusieurs jours il rentrait le soir bien fatigué de tous ses trajets d'auto qu'il fait journellement entre Hazebrouck-Armentières et parfois ennuyé et contrarié des choses ne marchant pas à la Mairie ou il n'y a pas grande entente entre Mr Villard-Conem-Graignon pour la distribution des vivres où Conem veut toujours agir en maître ce qui mets Monsieur en colère et qui lui fait tort, aussi a-t-il été trouvé Monsieur Briquet qui lui a donné une potion calmante de sorte que hier Il était mieux et aujourd'hui très bien; Madame ne vous tourmentez donc pas, car depuis quelques jours quelqu'un avait fait courir le bruit comme quoi Monsieur avait été arrêter comme espion et était même fusillé, comme vous voyez les envieux et les jaloux le suivent partout, sans doute voudrait-on le nuire, voyant combien Monsieur se multiplie et se dévoue et en le voyant en si bonne relation qu'Il arrive à passer où d'autres n'entrent pas, enfin Madame ne vous en effrayez pas surtout, l'essentiel que Monsieur va bien et qu'Il ne fera rien dont il aurait un jour à en rougir, il reste digne de son nom.

 

Pour le tissage Madame les dégâts sont beaucoup moins important qu'on avait supposer, quelques centaines de francs et le veilleur de nuit est en voie de guérison. Vous comptez toujours dans les privilégiés, la situation d'Armentières s'améliore un peu car depuis dimanche il n'y a plus eu d'obus mais les boches sont toujours à Frelinghien et peuvent recommencés si le cœur leur en dit.

 

Jules Meurin couche à la cave à la maison avec Duhem, sa femme, sa fille et leurs enfants de sorte que la maison est bien gardée en attendant que nous puissions rentrer; d'Elisa ni de Sophie Charlet plus de nouvelle, la femme et la fille de Désiré sont rentrés à Armentières leur maison n'ayant plus rien attrapée et son garçon est dans les environs de Paris.

 

Les vieillards de l'hospice d'Houplines sont arrivés ici après avoir vécus 15 jours dans les caves, ils sont ici prés de ceux d'Armentières arrivés depuis un mois.

 

Au revoir Madame j'espère que ma lettre vous trouvera en bonne santé ainsi que toute la famille.

Veuillez présenter mon bon souvenir à ses Dames aux enfants et garder pour vous Madame l'assurance de mon entier dévouement.

 

Élise

La lettre d'Henri Chas du 20 décembre 1914

Armentières, le 20 Xbre 1914

 

Ma chère Margot,

 

Depuis ma dernière les obus sont de nouveau venus nous rendre visite dans la nuit de lundi à mardi. Armentières a été arrosé de shrapnells, d'obus incendiaires de 9 heures du soir à 7 h 1/4 du matin - on peut évaluer à un millier le nombre de boulets que nous avons reçu.

Dégâts matériels importants. Sept maisons brûlées, incendiées, les magasins de lin de la filature [Lourme].

 

Comme maisons, la maison Charvet, rue Sadi-Carnot en face de [Mme] Deweppe mère, le bureau de [L... et P...] au Rond-Point - de ces 2 immeubles il ne reste plus rien - quant aux autres ce sont de petites maisons d'ouvriers.

 

Le bombardement a recommencé le mercredi soir de 7 à 9 heures, un obus est tombé sur le café [St Mathias] rue de Lille démoli la toiture et toute la façade d'en face du magasin de [Mouquet -Decuper], marchand de vêtements, beaucoup n'ont pas éclaté, le nombre environ 60.

 

Jeudi nouveau bombardement de 2h1/4 à 3 heures du matin - un obus sur la pâtisserie Callens, tout le toit démoli - et beaucoup de dégâts à l'intérieur.

Depuis le silence absolu mais Armentières a bien souffert.

 

Vendredi je suis allé à Ypres avec mes députés [Dancel] Vincent et Justin [Godart], ce dernier vice-président de la Chambre. Ces messieurs sont venus hier à Armentières avec le Sous-Préfet et le député maire d'Hazebrouck, le procureur et l'inspecteur principal de chemin de fer Mr Gai.

Aujourd'hui ces messieurs sont repartis pour Paris - j'avais pensé les accompagner et venir te voir mais tant que les Allemands resteront à Wez-Macquart, Prémesques et que la ville est à la merci d'une attaque je ne veux pas m'éloigner. Il y a tant de médisants que je ne veux pas que l'on puisse dire que je me suis [ ] - tu dois le comprendre et je me compare à un capitaine de vaisseau qui ne doit quitter le navire que le dernier.

 

Ces satanés Allemands tiennent comme la teigne et ce sera long de les déloger.

 

A Ypres c'est navrant, les Halles, l'Hôtel de ville, la Cathédrale et je ne sais combien de maisons sont anéantis.

A Laventie, plus rien ou presque rien. Que de ruines et que de morts.

 

J'ai eu la veine jusqu'à ce jour de voir éclater les obus assez prés de moi et ne pas recevoir la moindre égratignure mais je t'assure que ça fait un drôle d'effet.

 

J'ai reçu une lettre d'Henri, je lui répondrai à Arpajon pour les vacances; mais si je n'écris pas plus souvent, c'est que j'ai tellement à faire et que mes déplacements forcés pour le ravitaillement me prennent beaucoup de temps.

 

Toujours veinard en auto, j'ai été accroché trois fois et trois fois l'auto a été détérioré, une roue, le [carter] et la caisse à outils - dégâts matériels mais pour les voyageurs rien, rien.

Les routes sont archi-mauvaises et les conducteurs d'auto anglais ne sont pas fameux. Enfin ça va cahin-caha et je m'en tire à peu prés comme je veux.

 

Les marchandises arrivent en gare de Stenwerck ou de Nieppe et j'ai réquisitionné tous les chevaux pour le transport.

 

J'espère que tu es en bonne santé ainsi que les enfants, la Mère et les sœurs. Je vais toujours très bien et ne suis pas trop irritable, quoique quelques fois la pression monte fort haut.

 

Embrasse tout le monde pour moi et en attendant de vos bonnes nouvelles, je t'embrasse bien affectueusement.

 

As-tu été chez [Gaffet] ? J'ai un chapeau melon devenu vert et aussi mou qu'un vulgaire chapeau mou [ ] et mon pardessus il faut le voir !! enfin c'est la guerre.

 

La lettre d'Henri Chas du 8 décembre 1914

Armentières, le 8 Xbre 1914

 

Ma chère Margot,

 

J'ai reçu aujourd'hui tes 2 lettres datées du 4 et du 6.

J'en suis pas étonné car il y a eu un accident de chemin de fer entre Boulogne et Abbeville : dégâts matériels seulement.

 

J'espère que la maladie d'Henri n'aura pas eu de suite et qu'actuellement il est rétabli. Je suis heureux de vous savoir en bonne santé. Quant à moi je vais bien quoique par moments je ne dors pas beaucoup.

 

Mes déplacements obligatoires me prennent pas mal de temps pour faire la route, [c'est sur le sommeil que j'escompte de ne pas perdre des minutes précieuses]. Hier journée terrible. Conseil de révision de 9h du matin à 10 heures du soir avec une heure 1/2 de 12h1/2 à 2 heures pour le dîner. 2500 conscrits ou réformés, j'en ai vu sur tous les tons et de toutes les formes, entre autres un réfugié de Lille pesant 106 kgs tout velu et un pétard énorme - jamais je n'ai vu d'aussi grosses fesses et j'oubliais sa remarquable poitrine - il peut faire concurrence aux bretonnes - cela a été une distraction car l'odeur [...] des pieds et celle de l'eau commençaient à nous pincer désagréablement l'odorat.

Il y avait le Lt Colonel [...] qui m'a chargé de te le rappeler à ton bon souvenir.

 

Je suis à la recherche d'avoine, les chevaux n'ont plus rien à se mettre sous la dent et nous avons encore [40] à nourrir.J'espère en trouver dans les environs d'Hazebrouck.

Je n'ai pas encore reçu le pétrole de Dunkerque et nous nous éclairons à la bougie. Le charbon se fait rare; enfin j'espère que d'ici peu il y aura un mouvement en avant et que les communications seront plus faciles.

 

Dimanche Houplines a reçu encore des obus. Il en est tombé un sur la demeure de l'[adjoint Flahaut], un estaminet "A l'Harmonie". Ce dernier a eu les 2 jambes brisées, sa femme un pied démoli et 8 tués ; on estime à 60 les obus qui sont tombés.

 

Il en est également tombé à Armentières prés de l'église St Vaast et au Rond-Point, pas de tués ni de blessés et chose bizarre pas de dégâts.

Tous les jours nous en recevons quelques-uns - les batteries allemandes sont prés de la Prévoté et dans le bois de Prémesques - Les Anglais ne bougent toujours pas - Je ne comprends pas très bien leur tactique.

 

J'ai appris que toute la cavalerie française qui était du côté de Stenworde-Wormout était partie direction Arras [Montdidier].

 

A Hazebrouck dimanche un [Taube] a lancé 5 bombes : il y a eu 28 victimes. 17 tués. 8 soldats anglais, 9 civils, 1 homme, 5 enfants et 3 femmes. 11 blessés dont 6 soldats anglais. C'est une seule bombe qui a fait ces victimes - les 4 autres n'ont pas éclaté.

 

[...]

 

Pour tes fourrures ce n'est pas pratique. Si je viens à Paris je te les apporterai car je viendrai en auto.

Les communications par fer ne sont pas commodes ; il faut partir d'Hazebrouck le soir à 9h06 pour être à Paris le lendemain à 12 heures 58 – et souvent il y a 2 à 3 heures de retard tandis qu'en auto en 8 heures je ferai la route.

 

J'ai obtenu un laisser passer signé du Général Anglais pour aller [dans] les lignes anglaises. Pour Paris [maintenant depuis hier] il faut un laisser passer soit pour le chemin de fer soit pour l'auto signé du Général commandant les troupes françaises à Cassel. Le sous-préfet m'a dit que je l'aurai.

 

Villard va aller pour quelques jours à Paris. Quand il rentrera je m'arrangerai pour venir passer 48 heures car je ne puis guère en abuser.

 

[Une partie de la lettre est manquante]

 

Nous avons eu beau temps, pas même de saison – sans quelques averses les routes ne seraient pas trop mauvaises. Mais ce qu'il y a de [...] et de promenade de chevaux, ce n'est rien de le dire.

 

Il y a beaucoup de réfugiés à Armentières, des gens d'Houplines, Lille, Roubaix, Tourcoing et ces malheureux n'ont aucune ressource ; je suis forcé de les nourrir et cela coûte.

 

Les anglais ont installé trois hôpitaux à la Croix Rouge [déserté] par les [...] armentiéroises, à St Jude et à l’École Professionnelle.

 

Nous avons environ 3000 soldats et 1200 chevaux, aussi la ville est encombrée et la voirie laisse à désirer, [attendu] que les entrepreneurs ont évacués.

 

Je t'assure que je ne rigole pas tous les jours et que le calme me manque.

 

[Une partie de la lettre est manquante]

[...]


Voila une longue lettre qui j'espère te contentera, la bougie s'éteint aussi dois-je m'arrêter.

 

 

 

Je te prie d'être mon interprète auprès de tous, grands et petits, embrasse les uns, serre la main aux autres et pour toi mes meilleurs baisers.

 

La lettre d'Henri Chas du 3 décembre 1914

Armentières, le 3 Xbre 1914

 

Ma chère Margot,

 

J'ai reçu ta lettre ce matin et une de Léon à laquelle je réponds également. Je regrette de ne pouvoir aller le voir mais les ordres du Général Foch qui commande en maître interdit les voyages.

 

J'ai pu ravitailler la ville mais en faisant l'avance d'une certaine somme, je t'expliquerai le pourquoi et le comment !

 

A Armentières depuis dimanche plus d'obus mais très vive fusillade entre Wez Macquart et la Prevoté, les tranchées sont à peine à 200 mètres l'une de l'autre.

 

Houplines a beaucoup souffert et particulièrement la propriété de Mr [...], trois obus sur sa maison aux 2/3 démolie - et sans doute pillée.

J'estime que tu n'as pas besoin de le renseigner exactement, il apprendra toujours assez tôt les mauvaises nouvelles.

 

De Lille, Roubaix, Tourcoing aucune nouvelle - il faut savoir patienter.

 

Nous évacuons le stock - ça marche cahin-caha. Peut-être que cette mesure n'était pas nécessaire mais du moins elle est sage.

 

Je vais très bien. Élise aussi bien - je n'ai pas de nouvelles de Jules ni d'Emile. Les anglais pensent que la guerre durera jusque [fin] de 1915. S'ils pouvaient se tromper.

 

Au tissage, Maison de commerce, rien jusqu'à ce jour.

 

[Il est impossible] d'envoyer par la poste quoique ce soit - aussi approvisionne-toi à Paris.

Tu ne peux pas te figurer ce que c'est qu'une armée alliée qui occupe le territoire !!!!

Je t'en reparlerai de vive voix.

 

Bonne santé à tous et bons baisers pour les grands et les petits sans t'oublier dans la distribution.

 

Je vais à une réunion pour le conseil de révision.

 

Je t'embrasse.

La lettre d'Henri Chas du 1er décembre 1914

1er décembre 1914

 

Ma chère Marguerite,

 

Disposant de quelques minutes je m'empresse de répondre à ta lettre du 27.

 

Rien de nouveau quant au bombardement depuis dimanche midi et [demi] le canon allemand s'est tu.

 

Le ravitaillement se fait difficilement et les fonds s'épuisent - tout se [payent] comptant.

Enfin ça va comme cela mais ce n'est pas la perfection.

 

Je vais bien heureusement car ma vie est plutôt mouvementée et jusqu'à ce jour ma santé m'a donné toute satisfaction - [...].

 

Je compte [...] forcé d'aller à Paris à la rentrée des [Chambres] vers le 20 [décembre] et si je quitte ma ville [...] c'est qu'il n'y aura pas de danger pour les [incidents]. J'espère bien que d'ici là les alliés auront progressé. Mais ce que tu ne peux pas te figurer, c'est la consigne concernant les laisser-passer. Elle est tellement draconienne je t'envoie inclus une copie d'un rapport et tu jugeras.

 

Nous pensons évacuer le stock d'Armentières, mesure de précaution et [que moi personnellement] je ne trouvais pas nécessaire. Les Allemands ne reviendront jamais à Armentières et je ne crois pas qu'en quittant Prémesques Pérenchies et la [ligne], ils [bombardent] notre ville, s'ils avaient eu l'intention de le faire, ils l'auraient déjà fait.

 

Les obus qu'ils nous ont envoyé viennent les petits de Funquereau (ils sont installés dans le petit bois), les gros du Mont de Prémesques et ceux-là peuvent […] !!

 

[...]

 

J'ai reçu une lettre d'Henri, il me dit qu'il travaille bien. Je le verrai en passant à Paris et irai le surprendre.

 

Henry Ireland est en Angleterre, il est parti très fatigué et très vieilli - je lui ai conseillé de […] - il n'y a rien à faire comme travail d'usine pour l'instant.

 

J'ai encore de la chance, le tissage et les maisons de commerce n'ont rien.

 

Je t'envoie aussi un article de journal relatif à Armentières Le Nord [...] de Dunkerque, journal équivalent de La Croix et qui m'a [enguirlandé] et comment ? au moment de mon élection de Maire - enfin ça change de ton mais c'est encore vinaigré.

 

[...]

 

Bien heureux de te savoir ainsi que les enfants en bonne santé. Embrasse les pour moi. [Cette] séparation ne sera pas indéfinie et peut-être plus vite que la plupart ne le pense notre territoire sera libre. C'est mon avis personnel.

 

Rappelle-moi au bon souvenir de tous les tiens et fais une distribution de baisers de ma part à ta mère, les gosses et les sœurs.

 

Amitiés à Honoré, aux oncles et pour toi, ma [vieille] Margot, reçois mes [bons] baisers.

La lettre d'Henri Chas du 21 novembre 1914

Samedi 21/11/1914

 

Ma chère Marguerite,

 

Je te confirme mon télégramme de ce jour et t'accuse réception de ta lettre du lundi 16.

 

Je suis heureux de tous grands et petits en bonne santé. De mon côté je me réjouis que la nature m'est donné une bonne constitution car jusqu'à ce jour j'ai passé sans accrocs des jours et des nuits que je ne souhaiterai à personne.

 

Armentières, ma pauvre ville, a été très éprouvée : 47 tués civils, plus de 200 blessés, les usines Villard pour les 2/3, [Ruyant] [la totalité], [Dutilleul] [la moitié] les magasins de lin de Mahieu et Leiman bombardées et incendiées.

 

Rue de Lille, des obus chez [Becquart], Debailleul, le pharmacien, les caisses d'épargne, en face chez Oudart et Luman [épicerie].

 

Autour de la place, dans la rue des Jésuites, rue de Dunkerque, bref un peu partout à la gare sur la [route de l'Armée].

 

Joseph fatigué est parti mercredi.

 

Mais à côté de ces [...] il y en avait une plus grande ! La famine : [L'autorité] anglaise a fait évacuer La Chapelle d'Armentières et Houplines. J'ai à nourrir plus de vingt cinq mille personnes, et que faire ?

J'ai télégraphié au Président du Conseil, au Ministre de l'Intérieur et depuis trois jours je roule pour trouver des vivres.

 

J'ai pris contact avec le Sous-Préfet d'Hazebrouck, le colonel Huguet chef de la Mission française à St Omer, le Général Foch et suis arrivé à un résultat a peu près satisfaisant.

 

J'ai obtenu un camion automobile qui fera la navette entre Hazebrouck et Armentières.

 

J'ai installé à la mairie d'Hazebrouck un bureau où je centralise les affaires car j'ai oublié de te dire que l’État Civil d'Armentières est transférer à Nieppe - car il pleut des obus tous les jours à Armentières.

 

Je me suis fâché et j'ai enfin obtenu un permis de voyager en auto et je vais faire la navette entre Hazebrouck et Armentières.

Je suis logé chez le Procureur de la République à Hazebrouck, j'y ai emmené Élise, Désiré - et les chevaux. A la maison, Duhem, qui a eu sa maison détruite à Houplines, est venu me demander asile et il s'est installé dans la cave avec sa femme - C'est la guerre et c'est triste.

 

Il y a aussi des réfugiés [d'Armentières] et j'y attends Paul [...] et sa femme, leur maison a été obusée.

[Mme Gaucher] est partie, j'ignore son adresse.

Henry Ireland est à Londres. Il n'y a plus personne à Armentières sauf les [Lescornez].

Les [...] sont partis depuis 4 jours.

 

Surtout ne te tracasse pas pour moi, je veux remplir mon devoir et je m'y efforce de toute mon énergie. Je serais très heureux de pouvoir venir te voir mais pour l'instant ce n'est pas possible.

Toi-même tu dois être assez raisonnable pour patienter et surtout de ne pas vouloir risquer un déplacement. Tu ne sais pas à quelle [incertitude] tu t'exposerais. Dès que je verrai la possibilité de venir , [je me ferai un devoir] et un agréable plaisir de venir t'embrasser.

 

J'espère que lorsque le gouvernement sera rentré à Paris, Richard pourra me faire prendre en auto et je m'échapperai 48 heures du Nord.

 

Je n'ai pas beaucoup reçu de tes lettres - elles ont du s'égarer.

Je t'écris du bureau du Sous-Préfet qui a été charmant pour moi.

 

Depuis hier il neige et gèle - je plains les malheureux soldats

 

Je vais à Armentières demain matin, et serrai le soir à Hazebrouck. M [Pichon], secrétaire du Président Poincaré qui vient pour enquêter sur la situation.

 

Il est tombé ce matin à Hazebrouck 9 [...] inclus le rapport. J'étais parti pour St Omer.

 

Je ne te raconte pas mes péripéties avec les allemands - ce serait trop long - je te les dirai de vive voix - mais ma chère je t'assure que c'est dur […] avec un caractère du genre du mien - J'ai tenu bon et j'ai réussi. J'en suis très content.

 

Embrasse les enfants pour moi, dis leur que je pense souvent à eux et que dans cette épouvantable situation, je me félicite que leur jeune âge les épargne des horreurs de la guerre - c'est peut-être de [l'égoïsme] mais c'est paternel.

 

Embrasse la mère et les sœurs, amitiés à Honoré et aux oncles et tantes et pour toi ma chère Margot, reçois mes affectueux baisers.

[Je t'embrasse de tout cœur]

 

Élise - Désiré vont bien.

[…]

Jusqu'à ce jour il n'y a rien au tissage et à la maison ou commerce.

 

J'ai écrit très vite, excuse le [désordre] de ma lettre.

La lettre d'Henri Chas du 21 septembre 1914

21 septembre 1914

10 heures du matin

 

Ma chère Marguerite,

 

J'ai reçu ce matin un télégramme donnant de vos nouvelles à tous. Je suis heureux de vous savoir en bonne santé.

 

Je vais bien mais ai été et suis encore très occupé. J'ai une charge très lourde mais fort de l'approbation de mes concitoyens, j'en éprouve une certaine satisfaction.

 

J'ai pu réussir à faire conserver le calme à la population et tout s'est très bien passé quand j'ai reçu la visite d'une patrouille de cavalerie allemande.

Je te donnerai les détails de vive voix, mais ce que je peux t'affirmer c'est que le sous-officier a été très correct et très poli.

 

Je fais les fonctions de sous-intendant et je n'ai guère de loisirs.

[...]

 

Les lettres sont censurées.

 

Lizzie est à Londres. Nelly a été malade.

Je n'ai pas reçu de lettres de toi. J'ai dit à Élise de t'écrire.

J'ai revu les [Rogeau] très aimables.

J'ai aussi revu Achille [...] qui m'a serré la main.

 

Les communications sont encore très difficiles [18] heures pour Paris.

Rémi [...] est à l'hôpital de Caen, il a pris froid et est couché pour une pleurésie. Il en a encore pour 15 jours de lit.

Pas de nouvelles [d’Émile Deweppe].

Jules [Meurin] est parti : il doit être à Cognac ou Limoges.

 

Il faut mettre Henri et Jacques au lycée, ils ne doivent pas interrompre leurs études.

Madeleine également. Les classes vont reprendre et ils pourront suivre les cours.

 

Je te charge d'embrasser tout le monde qui t'entoure pour moi et je t'envoie de bons [baisers].

 

Amitiés aux [amis]

La lettre d'Henri Chas du 21 août 1914

21 Août 1914 (reçue le 14 Septembre)

 

Mademoiselle La Motte,

 

Merci pour ta bonne lettre, le style est bien mais tu dois soigner l'orthographe.

 

Je vais très bien mais suis très occupé.

 

J'ai eu la visite hier d'un Intendant Général envoyé du Ministère pour traiter des affaires de [fournitures] militaires. Je pourrai donc faire tourner l'usine. De ce côté-là me voila tranquillisé.

 

[...] Il se peut si tout va bien que je sois prié d'aller à Paris à la fin du mois, au Ministère de la guerre, et je tâcherai de venir vous voir quelques heures.

 

Travaillez bien et surtout soyez sages. Je te charge d'embrasser tout le monde pour moi et je t'embrasse de tout cœur.

 

Ton papa [bisous]

 

On m'appelle de l'autre côté.

La lettre d'Henri Chas du 4 août 1914

Armentières, le 4 Août 1914

1 heure du matin

 

Ma chère Marguerite,

 

Je viens de recevoir ton télégramme et te confirme celui que je viens de t'adresser.

 

Je ne comprends pas que tu n'aies pas suivi l'avis très [...] que je te donnai par lettre et par télégramme de te rendre d'Evian au Puy. Il était alors inutile de me demander par télégramme ce que je désirais que tu fasses. Tu n'as sûrement pas pesé toutes les conséquences et maintenant où en es-tu ? En 1870 ta mère a du se rendre en Auvergne ! Tu ne l'ignorais pas ? Pourquoi alors êtes-vous [revenues] à Arpajon, à 28 kilomètres de Paris où les allemands veulent se rendre. Ce n'est pas sérieux et vraiment j'en suis très attristé, [...]. Je désire que mes gosses soient exempts d'être témoins des horreurs de la guerre et vu la situation de l'Europe la durée en sera longue. Si tu veux me faire plaisir, dés que la mobilisation te le permettra, tu reprendras le chemin de la Haute-Loire et quand la paix sera signée si la victoire nous est acquise tu reviendras dans le Nord. Je parle de victoire et de tout cœur je le souhaite mais si la Fortune nous était défavorable d'ici 25 jours Paris serait envahi et que ferais-tu ?

 

D’après mes renseignements le 6 août des trains spéciaux sur horaires spéciaux seront mis en circulation, il faut que tu en prennes un.

 

Que voudrais-tu faire ici ? Depuis vendredi 31 juillet à minuit, je suis à la mairie. J'y couche et j'y passe toutes mes journées. La vie commerciale est arrêtée. Nos usines sont fermées. Les expéditions arrêtées. Nous sommes en état de siège. L'autorité civile est remplacée par l'autorité militaire. Et par [...] le départ de tous les hommes appelés par l'ordre de mobilisation.


Mon devoir de Maire est d'assurer à toutes les femmes et aux pauvres enfants les besoins de l'existence. Je ne suis pas mobilisable mais j'ai une responsabilité [...] et je ne voudrai pas y faillir.

 

Tu n'as pas du envisager la durée de cette guerre, elle durera de 4 à 8 mois et quelles calamités et quelles ruines aurons-nous à constater et à enregistrer.

 

Les allemands ont violé la neutralité du Luxembourg et de la Belgique. Ils veulent prendre Anvers et après descendre sur Paris. Réussiront-ils ? Le souhait que non, mais crois-moi ne reste pas avec nos enfants à Arpajon.

 

Je vais bien mais depuis le 31 j'ai dormi à peine 10 heures. Ce matin à 4 heures j'étais sur pieds et ai été à la gare saluer mes concitoyens et amis qui répondaient à l'appel de la mobilisation générale, il y avait plus de 15000 personnes, pas un cri, les femmes pleuraient mais les hommes confiants avaient des mots pour les réconforter, c'était émouvant et sublime.

 

Lizzie et Nelly vont quitter Houplines j'ignore leur destination.

Émile est parti ce matin, reviendra-t-il ?

 

J'ai 2 employés parti à la maison de commerce, 2 au tissage et presque tous mes hommes du [...]. [...]

 

Tu me diras par lettre si tu as reçu à Evian mes dépêches des mercredi, jeudi, vendredi et samedi-29.30.31 juillet et 1er août.

 

Pourquoi n'as-tu pas suivi mon conseil ? Je ne puis me l'expliquer ? Mais je te le répète je m'oppose formellement à ce que tu fasses le voyage dans le Nord. Arriverais-tu seulement ? Mon secrétaire de mairie a mis [56] heures pour venir de Paris à Lille.

 

Pour une fois écoute moi, et fais ce que je te demande. Ce sera pour moi une grande satisfaction et je serai tranquillisé.

 

Je t'embrasse ainsi que les enfants.

 

Bons baisers et amitiés à tous les tiens.

Les lettres d'Henri Chas

Retrouvez régulièrement des extraits des lettres écrites par le maire d'Armentières à son épouse durant la Première Guerre mondiale ainsi que quelques lettres écrites à d'autres membres de la famille.

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