La lettre d'Henri Chas du 21 novembre 1914
Le 23/11/2015 à 12h53 par Valentine Bouchez

Samedi 21/11/1914

 

Ma chère Marguerite,

 

Je te confirme mon télégramme de ce jour et t'accuse réception de ta lettre du lundi 16.

 

Je suis heureux de tous grands et petits en bonne santé. De mon côté je me réjouis que la nature m'est donné une bonne constitution car jusqu'à ce jour j'ai passé sans accrocs des jours et des nuits que je ne souhaiterai à personne.

 

Armentières, ma pauvre ville, a été très éprouvée : 47 tués civils, plus de 200 blessés, les usines Villard pour les 2/3, [Ruyant] [la totalité], [Dutilleul] [la moitié] les magasins de lin de Mahieu et Leiman bombardées et incendiées.

 

Rue de Lille, des obus chez [Becquart], Debailleul, le pharmacien, les caisses d'épargne, en face chez Oudart et Luman [épicerie].

 

Autour de la place, dans la rue des Jésuites, rue de Dunkerque, bref un peu partout à la gare sur la [route de l'Armée].

 

Joseph fatigué est parti mercredi.

 

Mais à côté de ces [...] il y en avait une plus grande ! La famine : [L'autorité] anglaise a fait évacuer La Chapelle d'Armentières et Houplines. J'ai à nourrir plus de vingt cinq mille personnes, et que faire ?

J'ai télégraphié au Président du Conseil, au Ministre de l'Intérieur et depuis trois jours je roule pour trouver des vivres.

 

J'ai pris contact avec le Sous-Préfet d'Hazebrouck, le colonel Huguet chef de la Mission française à St Omer, le Général Foch et suis arrivé à un résultat a peu près satisfaisant.

 

J'ai obtenu un camion automobile qui fera la navette entre Hazebrouck et Armentières.

 

J'ai installé à la mairie d'Hazebrouck un bureau où je centralise les affaires car j'ai oublié de te dire que l’État Civil d'Armentières est transférer à Nieppe - car il pleut des obus tous les jours à Armentières.

 

Je me suis fâché et j'ai enfin obtenu un permis de voyager en auto et je vais faire la navette entre Hazebrouck et Armentières.

Je suis logé chez le Procureur de la République à Hazebrouck, j'y ai emmené Élise, Désiré - et les chevaux. A la maison, Duhem, qui a eu sa maison détruite à Houplines, est venu me demander asile et il s'est installé dans la cave avec sa femme - C'est la guerre et c'est triste.

 

Il y a aussi des réfugiés [d'Armentières] et j'y attends Paul [...] et sa femme, leur maison a été obusée.

[Mme Gaucher] est partie, j'ignore son adresse.

Henry Ireland est à Londres. Il n'y a plus personne à Armentières sauf les [Lescornez].

Les [...] sont partis depuis 4 jours.

 

Surtout ne te tracasse pas pour moi, je veux remplir mon devoir et je m'y efforce de toute mon énergie. Je serais très heureux de pouvoir venir te voir mais pour l'instant ce n'est pas possible.

Toi-même tu dois être assez raisonnable pour patienter et surtout de ne pas vouloir risquer un déplacement. Tu ne sais pas à quelle [incertitude] tu t'exposerais. Dès que je verrai la possibilité de venir , [je me ferai un devoir] et un agréable plaisir de venir t'embrasser.

 

J'espère que lorsque le gouvernement sera rentré à Paris, Richard pourra me faire prendre en auto et je m'échapperai 48 heures du Nord.

 

Je n'ai pas beaucoup reçu de tes lettres - elles ont du s'égarer.

Je t'écris du bureau du Sous-Préfet qui a été charmant pour moi.

 

Depuis hier il neige et gèle - je plains les malheureux soldats

 

Je vais à Armentières demain matin, et serrai le soir à Hazebrouck. M [Pichon], secrétaire du Président Poincaré qui vient pour enquêter sur la situation.

 

Il est tombé ce matin à Hazebrouck 9 [...] inclus le rapport. J'étais parti pour St Omer.

 

Je ne te raconte pas mes péripéties avec les allemands - ce serait trop long - je te les dirai de vive voix - mais ma chère je t'assure que c'est dur […] avec un caractère du genre du mien - J'ai tenu bon et j'ai réussi. J'en suis très content.

 

Embrasse les enfants pour moi, dis leur que je pense souvent à eux et que dans cette épouvantable situation, je me félicite que leur jeune âge les épargne des horreurs de la guerre - c'est peut-être de [l'égoïsme] mais c'est paternel.

 

Embrasse la mère et les sœurs, amitiés à Honoré et aux oncles et tantes et pour toi ma chère Margot, reçois mes affectueux baisers.

[Je t'embrasse de tout cœur]

 

Élise - Désiré vont bien.

[…]

Jusqu'à ce jour il n'y a rien au tissage et à la maison ou commerce.

 

J'ai écrit très vite, excuse le [désordre] de ma lettre.

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