La lettre d'Henri Chas du 8 décembre 1914
Le 23/11/2015 à 13h00 par Valentine Bouchez

Armentières, le 8 Xbre 1914

 

Ma chère Margot,

 

J'ai reçu aujourd'hui tes 2 lettres datées du 4 et du 6.

J'en suis pas étonné car il y a eu un accident de chemin de fer entre Boulogne et Abbeville : dégâts matériels seulement.

 

J'espère que la maladie d'Henri n'aura pas eu de suite et qu'actuellement il est rétabli. Je suis heureux de vous savoir en bonne santé. Quant à moi je vais bien quoique par moments je ne dors pas beaucoup.

 

Mes déplacements obligatoires me prennent pas mal de temps pour faire la route, [c'est sur le sommeil que j'escompte de ne pas perdre des minutes précieuses]. Hier journée terrible. Conseil de révision de 9h du matin à 10 heures du soir avec une heure 1/2 de 12h1/2 à 2 heures pour le dîner. 2500 conscrits ou réformés, j'en ai vu sur tous les tons et de toutes les formes, entre autres un réfugié de Lille pesant 106 kgs tout velu et un pétard énorme - jamais je n'ai vu d'aussi grosses fesses et j'oubliais sa remarquable poitrine - il peut faire concurrence aux bretonnes - cela a été une distraction car l'odeur [...] des pieds et celle de l'eau commençaient à nous pincer désagréablement l'odorat.

Il y avait le Lt Colonel [...] qui m'a chargé de te le rappeler à ton bon souvenir.

 

Je suis à la recherche d'avoine, les chevaux n'ont plus rien à se mettre sous la dent et nous avons encore [40] à nourrir.J'espère en trouver dans les environs d'Hazebrouck.

Je n'ai pas encore reçu le pétrole de Dunkerque et nous nous éclairons à la bougie. Le charbon se fait rare; enfin j'espère que d'ici peu il y aura un mouvement en avant et que les communications seront plus faciles.

 

Dimanche Houplines a reçu encore des obus. Il en est tombé un sur la demeure de l'[adjoint Flahaut], un estaminet "A l'Harmonie". Ce dernier a eu les 2 jambes brisées, sa femme un pied démoli et 8 tués ; on estime à 60 les obus qui sont tombés.

 

Il en est également tombé à Armentières prés de l'église St Vaast et au Rond-Point, pas de tués ni de blessés et chose bizarre pas de dégâts.

Tous les jours nous en recevons quelques-uns - les batteries allemandes sont prés de la Prévoté et dans le bois de Prémesques - Les Anglais ne bougent toujours pas - Je ne comprends pas très bien leur tactique.

 

J'ai appris que toute la cavalerie française qui était du côté de Stenworde-Wormout était partie direction Arras [Montdidier].

 

A Hazebrouck dimanche un [Taube] a lancé 5 bombes : il y a eu 28 victimes. 17 tués. 8 soldats anglais, 9 civils, 1 homme, 5 enfants et 3 femmes. 11 blessés dont 6 soldats anglais. C'est une seule bombe qui a fait ces victimes - les 4 autres n'ont pas éclaté.

 

[...]

 

Pour tes fourrures ce n'est pas pratique. Si je viens à Paris je te les apporterai car je viendrai en auto.

Les communications par fer ne sont pas commodes ; il faut partir d'Hazebrouck le soir à 9h06 pour être à Paris le lendemain à 12 heures 58 – et souvent il y a 2 à 3 heures de retard tandis qu'en auto en 8 heures je ferai la route.

 

J'ai obtenu un laisser passer signé du Général Anglais pour aller [dans] les lignes anglaises. Pour Paris [maintenant depuis hier] il faut un laisser passer soit pour le chemin de fer soit pour l'auto signé du Général commandant les troupes françaises à Cassel. Le sous-préfet m'a dit que je l'aurai.

 

Villard va aller pour quelques jours à Paris. Quand il rentrera je m'arrangerai pour venir passer 48 heures car je ne puis guère en abuser.

 

[Une partie de la lettre est manquante]

 

Nous avons eu beau temps, pas même de saison – sans quelques averses les routes ne seraient pas trop mauvaises. Mais ce qu'il y a de [...] et de promenade de chevaux, ce n'est rien de le dire.

 

Il y a beaucoup de réfugiés à Armentières, des gens d'Houplines, Lille, Roubaix, Tourcoing et ces malheureux n'ont aucune ressource ; je suis forcé de les nourrir et cela coûte.

 

Les anglais ont installé trois hôpitaux à la Croix Rouge [déserté] par les [...] armentiéroises, à St Jude et à l’École Professionnelle.

 

Nous avons environ 3000 soldats et 1200 chevaux, aussi la ville est encombrée et la voirie laisse à désirer, [attendu] que les entrepreneurs ont évacués.

 

Je t'assure que je ne rigole pas tous les jours et que le calme me manque.

 

[Une partie de la lettre est manquante]

[...]


Voila une longue lettre qui j'espère te contentera, la bougie s'éteint aussi dois-je m'arrêter.

 

 

 

Je te prie d'être mon interprète auprès de tous, grands et petits, embrasse les uns, serre la main aux autres et pour toi mes meilleurs baisers.

 

Mots clés : 
Partagez cet article
Billets proches
Le 23/11/2015 par Valentine Bouchez
Le 23/11/2015 par Valentine Bouchez
Le 23/11/2015 par Valentine Bouchez
Le 23/11/2015 par Valentine Bouchez
Le 23/11/2015 par Valentine Bouchez