La lettre d'Henri Chas du 20 décembre 1914
Le 23/11/2015 à 13h05 par Valentine Bouchez

Armentières, le 20 Xbre 1914

 

Ma chère Margot,

 

Depuis ma dernière les obus sont de nouveau venus nous rendre visite dans la nuit de lundi à mardi. Armentières a été arrosé de shrapnells, d'obus incendiaires de 9 heures du soir à 7 h 1/4 du matin - on peut évaluer à un millier le nombre de boulets que nous avons reçu.

Dégâts matériels importants. Sept maisons brûlées, incendiées, les magasins de lin de la filature [Lourme].

 

Comme maisons, la maison Charvet, rue Sadi-Carnot en face de [Mme] Deweppe mère, le bureau de [L... et P...] au Rond-Point - de ces 2 immeubles il ne reste plus rien - quant aux autres ce sont de petites maisons d'ouvriers.

 

Le bombardement a recommencé le mercredi soir de 7 à 9 heures, un obus est tombé sur le café [St Mathias] rue de Lille démoli la toiture et toute la façade d'en face du magasin de [Mouquet -Decuper], marchand de vêtements, beaucoup n'ont pas éclaté, le nombre environ 60.

 

Jeudi nouveau bombardement de 2h1/4 à 3 heures du matin - un obus sur la pâtisserie Callens, tout le toit démoli - et beaucoup de dégâts à l'intérieur.

Depuis le silence absolu mais Armentières a bien souffert.

 

Vendredi je suis allé à Ypres avec mes députés [Dancel] Vincent et Justin [Godart], ce dernier vice-président de la Chambre. Ces messieurs sont venus hier à Armentières avec le Sous-Préfet et le député maire d'Hazebrouck, le procureur et l'inspecteur principal de chemin de fer Mr Gai.

Aujourd'hui ces messieurs sont repartis pour Paris - j'avais pensé les accompagner et venir te voir mais tant que les Allemands resteront à Wez-Macquart, Prémesques et que la ville est à la merci d'une attaque je ne veux pas m'éloigner. Il y a tant de médisants que je ne veux pas que l'on puisse dire que je me suis [ ] - tu dois le comprendre et je me compare à un capitaine de vaisseau qui ne doit quitter le navire que le dernier.

 

Ces satanés Allemands tiennent comme la teigne et ce sera long de les déloger.

 

A Ypres c'est navrant, les Halles, l'Hôtel de ville, la Cathédrale et je ne sais combien de maisons sont anéantis.

A Laventie, plus rien ou presque rien. Que de ruines et que de morts.

 

J'ai eu la veine jusqu'à ce jour de voir éclater les obus assez prés de moi et ne pas recevoir la moindre égratignure mais je t'assure que ça fait un drôle d'effet.

 

J'ai reçu une lettre d'Henri, je lui répondrai à Arpajon pour les vacances; mais si je n'écris pas plus souvent, c'est que j'ai tellement à faire et que mes déplacements forcés pour le ravitaillement me prennent beaucoup de temps.

 

Toujours veinard en auto, j'ai été accroché trois fois et trois fois l'auto a été détérioré, une roue, le [carter] et la caisse à outils - dégâts matériels mais pour les voyageurs rien, rien.

Les routes sont archi-mauvaises et les conducteurs d'auto anglais ne sont pas fameux. Enfin ça va cahin-caha et je m'en tire à peu prés comme je veux.

 

Les marchandises arrivent en gare de Stenwerck ou de Nieppe et j'ai réquisitionné tous les chevaux pour le transport.

 

J'espère que tu es en bonne santé ainsi que les enfants, la Mère et les sœurs. Je vais toujours très bien et ne suis pas trop irritable, quoique quelques fois la pression monte fort haut.

 

Embrasse tout le monde pour moi et en attendant de vos bonnes nouvelles, je t'embrasse bien affectueusement.

 

As-tu été chez [Gaffet] ? J'ai un chapeau melon devenu vert et aussi mou qu'un vulgaire chapeau mou [ ] et mon pardessus il faut le voir !! enfin c'est la guerre.

 

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