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  • La Grande Guerre à Armentières

La Grande Guerre
à Armentières

RUINES DES HALLES ET DE L'EGLISE SAINT-VAAST

[1919]

Le début de la guerre

Durant les deux premiers mois de guerre, la première préoccupation de la municipalité concerne le ravitaillement de la ville avec la création d’une commission spécifique dès le 3 août. Les communications avec l’extérieur étant difficiles, de nombreuses rumeurs courent sur les avancées de l’armée allemande. La ville accueille de très nombreux évacués de Lille et des environs. Devant l’arrivée de ces réfugiés, les premiers armentiérois quittent la ville.

 

Le premier officier allemand arrive à Armentières le 2 septembre. Le lieutenant Von Oppel donne l’ordre de préparer pour le lendemain le cantonnement et de la nourriture pour 50 gendarmes cyclistes et 600 cavaliers ainsi que du fourrage pour leurs montures. Finalement, une seule patrouille passera le lendemain mais ne restera pas. Les troupes allemandes ne reviendront à Armentières que le 10 octobre.

La première occupation allemande
du 10 au 17 octobre 1914

Le 10 octobre, l’armée allemande entre en ville et réquisitionne tous les bâtiments municipaux et de nombreux logements. Vingt personnalités sont prises en otage et devront répondre sur leur vie de ce qui pourrait se passer de répréhensible dans la ville. L’État major allemand s'est installé face à la gare, dans l’hôtel du Comte d'Egmont.

Les incidents se multiplient avec l'armée allemande qui cherche des prétextes pour infliger des amendes à la municipalité : non fourniture des quantités de nourriture demandées, sonnerie non autorisée de la cloche d'une église, sonnerie suspecte à la gare, niveau de la Lys qui descend sans explication…

 

Cinq armentiérois sont tués durant cette période d’occupation. Le 15 octobre, quatre civils sont fusillés à côté de la gare annexe après avoir été surpris en possession de cartouches allemandes. Un cinquième armentiérois est tué par balle lors des rudes combats pour la libération de la ville qui se déroulent les 16 et 17 octobre.

 

Le premier bataillon britannique entre en ville le 17 octobre 1914, il s’agit du 1er bataillon des Royal Irish Fusilliers. La ville restera britannique jusqu'en avril 1918.

Le front et la présence anglaise

Plus de 200 bataillons britanniques se succèderont entre 1914 et 1918 dans la ville pour des durées pouvant allant de quelques jours à plusieurs mois : tout d’abord des anglais, des irlandais, des écossais, des indiens puis des canadiens à partir de février 1915 puis des sud-africains, des néo-zélandais et des australiens à partir d'avril 1916.

Dans ses lettres à son épouse, le maire de la ville, Henri Chas, évoque 3000 soldats et 1200 chevaux en décembre 1914 puis plus de 40 000 hommes en novembre 1915.

Il y aurait eu plus de 200 000 soldats du Commonwealth qui seraient passés par Armentières durant la guerre.

 

La ville est rapidement surnommée « la Nursery ». Les troupes s’entrainent sur la Grand Place ou à l'Ecole Nationale Professionnelle avant de partir sur le front situé à moins de 4 km du centre-ville et de découvrir la guerre des tranchées dans un secteur réputé plutôt calme. Le front se stabilise après le 17 octobre 1914 et passe non loin du Touquet, de Frelinghien, d'Houplines, de l'Epinette, de Wez-Macquart. Les tranchées ne sont éloignées que de quelques centaines de mètres : de 400 mètres à moins de 100 mètres comme par exemple au pont Ballot.


L'organisation anglaise

Armentières est gérée à la fois par l'administration municipale, représentée notamment par son maire, Henri Chas, et ses deux adjoints, Joseph Villard et Charles Conem et par un Town Major. Ce dernier est un officier de l'armée britannique chargé du maintient de l'ordre dans les villes occupées en temps de guerre. Cinq Town Major se sont succédés à Armentières : le Major Hill, le Major Réal, le Major Mandle, le Major Wallon et le Major White qui restera à Armentières jusqu’en avril 1918. La municipalité reste quant à elle jusqu’à l’évacuation de la ville en août 1917 puis sera transférée vers Hazebrouck puis vers Neufchâtel-en-Bray en Normandie.

Les relations entre ces deux autorités semblent quotidiennes et concernent notamment la question des réquisitions.

 

L’armée britannique prend en charge de nombreux aspects de la vie quotidienne : la voirie, l’hygiène dans les rues, l’eau potable, les services de santé, les horaires d'ouverture des estaminets, etc. Les britanniques sont particulièrement vigilants à l'hygiène et à la santé de leurs troupes ainsi qu’aux problèmes de discipline avec la mise en place d’une police militaire. Ils ont par ailleurs aménagé des lieux de détente pour accueillir les soldats lorsqu’ils ne sont pas au front : une antenne de la YMCA (Yong's Men Christian Association) se trouve à l’École Nationale Professionnelle, une salle de lecture est installée chez un particulier dans la rue nationale, un cercle catholique à la maison de commerce Colombier rue Bayart, etc.

"Nous avons des anglais en quantité, 4000 canadiens nous sont arrivés depuis hier. Ils viennent passer quelques jours sur le front, afin d'apprendre la guerre des tranchées. Ce n'est pas facile de caser toutes ces troupes [...]"
                                                                 Henri Chas le 17 février 1915

Les bombardements

Le 20 octobre 1914, les premiers obus tombent sur Armentières. La ville sera ensuite bombardée très régulièrement par des bombes lâchées par avions mais surtout par des obus, des obus incendiaires puis des obus à gaz tirés par l’artillerie allemande en représailles des attaques anglaises.

 

Henri Chas écrit à son épouse le 20 décembre 1914 :

Depuis ma dernière, les obus sont de nouveau venus nous rendre visite dans la nuit de lundi à mardi. Armentières a été arrosée d'obus incendiaires de 9 heures du soir à 7H1/2 du matin. On peut évaluer à un millier le nombre de boulets que nous avons reçu. Les obus nous arrivent aussi bien le jour que la nuit.

 

Un rapport de la gendarmerie pour le 1er semestre 1915 indique : 4000 à 5000 obus, 35 bombes lancées d'avions, endommageant 755 immeubles, causant 32 incendies et 100 victimes civiles. 

Livre d'or des victimes militaires et civiles de la Première Guerre mondiale

Les bombardements au gaz et l'évacuation de la ville en août 1917

Au fur et à mesure des bombardements, de nombreux armentiérois quittent la ville, soit volontairement, soit incités par la municipalité, soit contraints par l’autorité militaire qui fait évacuer certains quartiers en fonction de l’intensité des bombardements. C’est par exemple le cas du quartier du Bizet en juin 1916. En 1917, il ne reste des habitants que dans les quartiers les plus éloignés du front à l'Ouest de la ville.

 

Les bombardements incessants qui vont toucher la ville à partir du mois de juin 1917 vont déclencher l'ordre d’évacuation définitif d'Armentières. Un rapport du sous-préfet évoque 12 000 à 15 000 obus pour la période du 4 juin au 25 juillet. A cette date, il reste environ 2800 personnes dans la ville dont moins de 1000 armentiérois (et 300 ayant moins de 13 ans). A cela s’ajoute les obus contenant du gaz ypérite : 10 000 obus seraient tombés dans la seule nuit du 28 au 29 juillet 1917.

Le 29 juillet, environ 600 personnes touchées par les gaz sont évacuées vers l'hôpital temporaire n°116 d'Amiens, l'hôpital mixte d'Aire sur la Lys, l'hôpital complémentaire de Saint-Pol sur Ternoise et l'hôpital d'Hazebrouck.

 

Le gaz est envoyé via des obus à parois mince faiblement chargés en explosif qui libèrent le gaz quand ils explosent. Le gaz étant plus lourd que l'air, il s'infiltre partout et pénètre dans les caves où les habitants se réfugiaient habituellement. Le gaz n’a pas un effet immédiat mais provoque dans les 5 à 6 heures suivantes des brûlures sur tout le corps, de fortes toux et de la fièvre. Il touche notamment les bronches et les muqueuses.

 

Le 12 août, l’ordre d’évacuation officielle est publié. Le 17 août, il ne reste plus aucun civil à Armentières.

Sur les 360 victimes civiles armentiéroises notées dans le livre d'or, 69 sont décédées suite au gaz.

La Seconde occupation allemande
du 11 avril au 2 octobre 1918

MILITAIRES ALLEMANDS POSANT DU LA PASSERELLE DU CURE EN PARTIE DETRUITE

[1918]

Suite à l'offensive Georgette et à la bataille de la Lys lancée le 9 avril 1918, l’armée allemande occupera une nouvelle fois la ville du 11 avril au 2 octobre 1918.

 

Durant cette période, la ville subira de nouvelles destructions. Les usines sont pillées pour y récupérer notamment des éléments en cuivre et du matériel électrique, les installations sont également endommagées. Juste avant leur retraite au début du mois d’octobre, l’armée allemande dynamite différents ouvrages et bâtiments : plusieurs cheminées d'usine encore debouts ainsi que l’Hôtel de Ville et le Beffroi.

La fin de la guerre

Dès le 12 novembre 1918, Monsieur Maurice Debosque, entrepreneur, et moi, munis d'un laisser-passer car on ne peut encore circuler librement, arrivons à Armentières en auto ;

C'est avec une émotion intense que j'entre dans ma petite patrie martyrisée ;

Le long des rues, encore encombrées de gravats, pas une âme qui vive, rien n'est plus angoissant, plus pesant, plus sinistre que l'abandon de cette grande ville industrielle devenue le royaume du silence.

Gustave Lambin

Dessin de deux soldats anglais devant les ruines de l'église du Sacré-Coeur

12/1918

Crédits

Conception et textes : Archives municipales d'Armentières

Numérisation des documents : Archives municipales d'Armentières / Société Arkhênum

Les ressources