La trêve de Noël 1914, "Hans contre Donald"
Le 24/12/2021 à 13h33 par Archives municipales
Résumé

A Noël 1914, alors que la guerre est déclarée depuis plusieurs mois, les soldats épuisés marquent une trêve dans les combats. Parfois, de simples cessez-le-feu sont appliqués, d’autres fois de vrais moments de fraternité entre soldats ennemis sont observés sur le front. Dans le secteur d’Armentières, un de ces épisodes est connu et relaté dans la région : le match de football.

En 1968, dans le cadre du cinquantième anniversaire de la Première Guerre mondiale, la BBC mène une enquête dans le nord de la France pour reconstituer et retracer le déroulé de ce match de foot. La piste mène les enquêteurs vers Frelinghien grâce aux témoignages du lieutenant Niemann, alors 133e RI Saxon.

 

 

Veille de Noël en décembre 1914, les Allemands reçoivent des sapins miniatures offerts par le Kaiser.

Propriété Hans Landler, association des Amis de la Cité de la Toile

 

 

Tout commence dans la nuit du 24 décembre 1914 vers Frelinghien. A cet endroit, les tranchées allemandes et britanniques sont distantes d’à peine 200 à 300 mètres. Les Allemands installent des sapins lumineux sur les parapets de leurs tranchées. Croyant à une ruse des Allemands, les Britanniques tirent sur les sapins puis cessent le feu lorsqu’ils se rendent compte qu’il ne s’agit que de décorations. Le lieutenant Niemann témoigne dans une lettre : « Ensuite on entendit plus un seul coup de feu de toute la nuit. Des chants de Noël furent entonnés et l’état de guerre fit place à une rivalité de chanteurs. »

 

Le 25 décembre à 8h30, quatre soldats allemands, dont un soldat sanitaire, sortent des tranchées sans arme pour souhaiter joyeux Noël aux Britanniques et leur demander d’observer la trêve de Noël. Le capitaine britannique Hamilton, du 2e Scots Guards, envoie deux de ses soldats non armés à leur rencontre avec comme consigne de dire aux Allemands de ne pas franchir le milieu des lignes. A 10h, des chants s’élèvent des tranchées. Malgré les ordres de la hiérarchie, les soldats abandonnent leurs positions et chantent des « Tipperary » et des « Deutschland über Alles ». Ils se mettent à échanger des denrées : tabac, chocolat, schnaps, whisky, tout ce que les familles avaient envoyé d’Angleterre et d’Allemagne à leur soldats pour fêter Noël. « Ils se mirent à faire la chasse aux lièvres qui étaient revenus à leur état sauvage sur le no man’s land. Tommies et Fritz leurs courraient après ensemble. Puis un Écossais amena un ballon… Une partie de football s’organisa dans les règles avec des bonnets par terre sur le sol gelé pour matérialiser les buts. Le match se termina sur un score de 3 à 2 pour les Fritz. » témoigne encore le lieutenant Niemann. Le ballon fut malheureusement crevé sur les barbelés. « Lors du match, nos soldats ne tardèrent pas à découvrir que les Écossais, sous leur kilt, ne portaient pas de culotte, de sorte que l’on voyait bien leur derrière dès que leur kilt virevoltait. Cela nous amusa beaucoup. Des militaires portant des jupes de femmes, cela ne se concevait pas ».

 

Après le match, les 2 camps conviennent tacitement de ne plus tirer jusqu’au jour de l’an. De temps en temps, des coups de feu étaient donnés en l’air. « Le 1er janvier à minuit, une terrible fusillade éclata des deux côtés, informant par là chacun que désormais la guerre pouvait reprendre. » conclut Niemann. Cet évènement remonta aux États Major et les soldats Allemands furent déplacés et remplacés par des Prussiens.

 

 

Soldat britannique déguisé en Père Noël, visitant les tranchées dans le secteur d’Armentières en 1914.

Propriété Hans Landler, association des Amis de la Cité de la Toile

 

Grace aux différents témoignages, le lieu exact de ce match de football est établi entre la ferme des 4 Hallots (pour le côté allemand) et la ferme de la Moutarderie (pour le côté anglais). Aujourd’hui, il s’agit de la route de l’Aventure entre Houplines et Pérenchies. La ferme des 4 Hallots existe toujours mais celle de la Moutarderie a disparu pendant les bombardements intensifs de la Grande Guerre. Une plaque commémorative sur la trêve du match de football, officialisée par le Commonwealth, a été installée en 2008 rue d’Armentières à Frelinghien.

 

 

Plan anglais des tranchées allemandes au niveau de la ferme de la Moutarderie. Les tranchées anglaises n’y sont pas représentées car si la carte anglaise tombait aux mains de l’ennemi, les positions anglaises lui auraient été dévoilées.

Archives municipales d'Armentières - 1 Fi 30

 

Le capitaine Hamilton est décédé le 12 mars 1915, à l’âge de 25 ans, tué lors de la bataille de Neuve-Chapelle. Il est enterré au cimetière Anglais rue David-Military à Fleurbaix. Le lieutenant Johannes Niemann a survécu à la Grande Guerre et apporte un témoignage important sur cet évènement en 1968.

 

En 1983, un certain Paul McCartney écrit une chanson appelée « Pipes of Peace » qui évoque la rencontre des soldats allemands et britanniques en 1914 dans les tranchées du nord de la France. En effet, son grand-père lui avait parlé des matchs de foot en France lorsqu’il était tommy dans les tranchées. Cette musique ravive et illustre l’histoire des trêves de Noël 1914.

 

 

Une tranchée allemande dans le secteur d’Armentières en 1914.

Propriété Hans Landler, association des Amis de la Cité de la Toile

 

Au chemin du mont de la Hutte à Comines se trouve le Memorial Christmas Truce 1914 qui commémore un autre match de football qui aurait également été joué par les unités britanniques et allemandes à Noël 1914 dans le secteur.

 

Article écrit en collaboration avec Hans Landler, président de l'association des Amis de la Cité de la Toile.

 

Source :

Voix du Nord, articles du 11 novembre 1967, du 12 novembre 1968 et du 6 février 1968, écrits par Michel Van Parys et Michel Capelier

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